La première pilule pour homme 100 % efficace
(juillet 2000)
Développée par des chercheurs écossais, une pilule contraceptive
testée sur 60 hommes à Edinbourg (Ecosse) et à Shanghai (Chine)
s’est révélée efficace à 100 %. D’autres essais
devront être conduits, mais les chercheurs envisagent sa mise
sur le marché dans les cinq ans.
Dans
les années 1960, l’invention de la pilule avait marqué
une véritable révolution des moeurs. Mais jusqu’alors,
elle n’avait pas d’équivalent masculin, en grande
partie à cause des différences entre les
appareils reproducteurs : une femme produit un ovule par
mois et l’homme 30 millions de spermatozoïdes par jour.
De plus, la période de fertilité d’une femme s’arrête
à la ménopause alors qu’un homme reste fertile toute sa
vie. Enfin, les testicules sont le lieu de formation des spermatozoïdes
mais aussi celui de la testostérone, la principale hormone masculine
responsable des caractéristiques viriles : pilosité, musculature,
etc. Stopper la formation des uns tout en permettant celle de
l’autre s’est longtemps révéler être un casse-tête
insoluble.
Des tests à étendre à un plus grand nombre de volontaires
Les chercheurs de l’Université d’Edimbourg semblent avoir
trouvé la parade en utilisant une combinaison de testostérone
et de désogestrel, un stéroïde synthétique utilisé dans la pilule
hormonale pour femme. "Cette pilule entraîne la suppression
de la sécrétion de gonadotrophine ou gonadotropine
et donc l’absence de spermatozoïdes dans le sperme (azoospermie)"
précise le Dr Richard Anderson, membre de l’équipe de recherche
de l’Université d’Edimbourg. L’administration
de désogestrel est couplée avec l’adjonction de testostérone,
qui permet de contrecarrer la perte de libido entraînée par
la sécrétion de gonadotrophines.
Si l’homme prend une de ces pilules chaque jour, la production
de spermatozoïdes sera stoppée dans les trois mois. De la même
manière, la production de spermatozoïdes revient à la normale
trois mois après avoir arrêté la prise de ce contraceptif. Les
essais décrits dans la publication1 ont été menés
sur 30 personnes au terme desquels on a déterminé aucun effet
secondaire (acné, augmentation de la pression sanguine, etc.)
et une efficacité de 100 %. Selon le Dr Anderson, "cette
pilule est très largement exempte d’effets secondaires,
certains hommes ont pris un petit peu de poids mais pas dans
des proportions entraînant un arrêt des tests". Les chercheurs
sont sur le point de conclure une autre série de tests sur 60
hommes chez lesquels il apparaît qu’une combinaison adéquate
des deux composés entraîne une azoospermie.
De nouveaux tests devront être conduits en Afrique (Afrique du
Sud et Nigeria) pour confirmer ces résultats. On peut craindre
que des disparités apparaissent d’un individu à l’autre.
Les résultats complets de l’étude devrait être rendus publiques
lors de la Conférence Mondiale des Gynécologues et Obstétriciens
qui se déroulera en septembre à Washington.
La contraception :une affaire d’hommes ?
Le laboratoire pharmaceutique Organon qui produit actuellement
cette pilule, espère une mise sur le marché d’ici cinq
ans. Pour les femmes chez qui la pilule peut être contre-indiquée
pour des problèmes de tension artérielle, ce nouveau moyen
de contraception peut représenter une alternative. "Je
crois qu’il existe un petit mais réel marché pour une
pilule pour l’homme" déclare Dr Anderson.
Néanmoins, la contraception apparaît bien souvent comme une affaire de
femmes. En cas de rapport non protégés, seules les femmes devront
faire face à une grossesse.
Si le sexe faible semble accueillir positivement le développement
d’une pilule pour homme. Selon une étude sur la contraception
en France, un bilan après 30 ans de libéralisation2,
"les hommes s’en remettent largement à la contraception
de leurs compagnes ou partenaires. Ce qui est sans doute, au
demeurant, le souhait de celles-ci (…)".
La pilule est dure à avaler pour l'homme
Seulement quatre hommes sur dix sont prêts à prendre
un comprimé contraceptif. Tel est le résultat
d'un sondage lancé par le Science Museum de Londres
à l'occasion d'une exposition sur le thème
de la contraception masculine. Arrêtant la production
des spermatozoïdes, cette version masculine devrait
être disponible dans moins de quatre ans. 56 %
des hommes s'inquiètent des éventuels effets
à long terme de ce nouveau moyen de contraception.
Néanmoins, 61 % sont pour que la pilule soit donnée
aux garçons à l'école. Mais, les
femmes sont-elles prêtes à croire un partenaire
qui leur dirait "ne t'inquiètes pas, chérie,
je prends la pilule" ?…
Alain Sousa
Source
: Sondage commandé par le Science Museum de
Londres
Cette pilule est plus adaptée au couple ayant une relation stable ;
cependant, tout comme la pilule pour femme, elle ne protège
pas contre les maladies sexuellement transmissibles. La seule
protection efficace reste le préservatif, qui doit être l’affaire
de tous.
David Bême
1 - Dose-finding study of oral desogestrel with testosterone
pellets for suppression of the pituitary-testicular axis in
normal men, C.W.Martin et al., Human Reproduction, Vol.15, N°7,
1515-1524, Juillet 2000
2 - La contraception en France – Un bilan après 30 ans de
libéralisation, Catherine de Guibret-Lantoine, Henri Leridon,
étude INED.
alors qui va demander à son homme de la prendre?